De la liberté religieuse dans l'entreprise I

Publié le par Votre juriste en Israel

Après la délibération de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) sur le vêtement dans l’entreprise précédemment commentée, cette même autorité vient de rendre le 6 avril 2009 une délibération plus générale sur la liberté religieuse dans l’entreprise. Nous voudrions donc ici commenter les principales règles rappelées par cette autorité.

Au préalable, on rappellera une nouvelle fois que les règles ci-dessous exposées ne concernent que les salariés de droit privé et non les fonctionnaires, ceux-ci étant astreints à une obligation de neutralité qui leur interdit de manifester leurs convictions religieuses.  

sources de la liberté religieuse

La HALDE commence dans un premier temps à rappeler le fondement de la liberté religieuse dans l’entreprise.

Le droit de pratiquer sa religion trouve son expression la plus forte dans l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en vertu duquel Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de convictions, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. Comme tout droit, il peut faire l’objet de restrictions législatives nécessaires à la vie dans une société démocratique.

L’autre texte important découle du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui énonce que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances». Enfin, la HALDE ajoute deux autres dispositions :

- le principe d’égalité hommes-femmes avec en corollaire le principe de non-discrimination, c’est-à-dire l’interdiction de pratiquer une distinction entre deux situations identiques sur la base d’un fondement illégitime, en l’occurrence la religion ;  

- l’article L.1121 du code du travail en vertu duquel  «Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Ce texte est fondamental car il définit la méthode d’analyse du juge : la pondération des intérêts en présence.

La conjugaison de ces différents textes n’est pourtant pas exempte de critiques.

critique des textes en matière de liberté religieuse

Les différents textes invoqués soulèvent deux types de question.

Dans un premier temps, il convient de bien comprendre ce que représente le principe de proportionnalité : si chaque fois qu’un individu invoque un droit, il se voit opposer le droit de l’entreprise pour laquelle il travaille, se crée automatiquement un risque que le droit de l’individu soit sacrifié sur l’autel de l’intérêt supérieur que représente l’entreprise et la recherche de profit. Si on transige avec ses droits fondamentaux, cela indirectement signifie que l’on doit adapter sa pratique religieuse aux normes de l’entreprise.

Dans un deuxième temps, nous ferons la remarque suivante : contrairement aux apparences et à la constante médiatisation d’affaires portant sur ces questions, il existe très peu de contentieux dans lesquels le droit de pratiquer sa religion est véritablement invoqué. Il suffit pour s’en convaincre d’effectuer une recherche sur le sujet sur le site Légifrance qui compile tous les arrêts de cassation rendus par la Cour de cassation ainsi que les principales décisions de cours d’appel. Si on s’en tient à ce simple constat, on peut légitimement en déduire que, dans leur grande majorité, les problèmes de ce genre se résolvent sans trop de difficultés dans les entreprises.

Dès lors, peut-être faut-il éviter de trop saisir la HALDE sur ce sujet. En effet, dans sa recension des sources du droit sur lesquelles les individus fondent leurs prétentions, cette autorité rappelle à chaque fois l’absence de loi sur le sujet – pour reprendre l’expression de la Haute Autorité, aucune disposition législative ou réglementaire n’encadre spécifiquement l’exercice de la liberté religieuse au sein de l’entreprise privée, mais la loi et la jurisprudence en précisent certaines limites. Autrement dit, tant qu’il n’y a pas de loi, les individus, employeurs comme salariés disposent d’une certaine marge de liberté. Si, au contraire, intervient une loi comme la proposition déposée en 2004 visant à transformer l’entreprise en un lieu laïc, l’équilibre que nous exposons ici sera intégralement remis en cause puisque la loi justifiera une véritable normalisation des comportements.

Pour l’heure, ce n’est bien évidemment pas le cas.

Publié dans Etre juif en France

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