DE LA LIBERTE RELIGIEUSE DANS L’ENTREPRISE : PRIER DANS L’ENTREPRISE ? (II)

Publié le par Votre juriste en Israel

Après avoir exposé les textes sur lesquels la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité fondent la liberté religieuse, nous allons à présent montrer comment ces textes sont interprétés lorsque surgissent deux types de problèmes : la liberté d’expression dans l’entreprise et l’invocation par le salarié de prescriptions religieuses pour se soustraire à des obligations légales ou contractuelles.

De la liberté d’expression ou a-t-on le droit de distribuer la sidra de la semaine ou tout autre document à caractère religieux dans l’entreprise

Le principe est le suivant : Les abus du droit d’expression sont interdits, même en l’absence de disposition réglementaire interne, et peuvent être sanctionnés par l’employeur : prosélytisme, actes de pression ou d’agression à l’égard d’autres salariés…  

Pour le dire autrement, le principe, c’est la liberté avec pour limite l’abus, l’abus pouvant être sanctionné même si l’employeur n’a rien prévu à ce sujet dans le règlement intérieur. Indirectement, tout dépend de sa libre appréciation. Il est vrai que cela constitue une facette de son pouvoir disciplinaire. L’employeur peut en effet parfaitement licencier un salarié en invoquant une faute lourde sous prétexte d’un fait anodin comme un simple retard. Il faudra dans ce genre de cas aller devant le juge pour rétablir les droits du salarié.

Hormis cependant ce genre d’hypothèses, seuls les abus sont sanctionnables. Et au titre des abus, il y a le prosélytisme, c’est-à-dire le comportement par lequel un salarié veut imposer sa pratique à un autre. D’où la question : à partir de quel moment un comportement peut-être qualifié de prosélyte ? Si on fait l’exégèse de la délibération de la HALDE, on peut légitimement se demander si les actes de pression ou d’agression correspondent à des illustrations d’un comportement prosélyte ou si, au contraire, ils décrivent des comportements autonomes différents pouvant justifier une sanction de l’employeur.

L’enjeu est loin d’être anodin :

- si on retient la première interprétation, alors il paraîtra difficile d’estimer que la simple distribution d’un feuillet contenant des commentaires religieux correspond à du prosélytisme, sauf à ce que la personne s’obstine à vouloir distribuer les feuillets en question à des personnes qui auraient expressément manifesté leur refus ;

- si on retient la deuxième interprétation, alors toute démarche religieuse à l’égard d’un de ses collègues peut être qualifiée de prosélyte.

On a donc le droit de parler de sa religion et en aucune manière l’employeur ne peut interdire ce genre de discussion. En revanche, lorsque la discussion se prolonge par des actes alors on s’expose à tomber sous le coup d’une sanction si l’employeur estime ce comportement abusif.

Dans tous les cas de figure, compte tenu de l’interdiction de discrimination, la HALDE rappelle que si l’employeur prend des mesures restrictives à ce sujet dans l’entreprise, l’employeur doit être en mesure de démontrer que ces limitations sont fondées sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et qu’elles sont proportionnées au regard des tâches concrètes de ses employés et du contexte de leur exécution.

de la liberté d’expression ou a-t-on le droit de faire sa prière dans l’entreprise ?

La HALDE, en dépit du caractère général de l’énoncé de sa délibération, n’aborde pas ce problème. Pourtant, prier, on pense par exemple à Minha, relève précisément du droit fondamental de pratiquer sa religion énoncé à l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Nous voudrions donc essayer d’exposer quelques éléments de réponse.

De façon générale, compte tenu de ce que l’on a exposé précédemment, il faut faire attention à ce que l’acte de prier ne puisse pas être qualifié d’acte prosélyte. Il paraît donc difficile de lancer un appel dans l’entreprise pour constituer un mynian par exemple.

De façon particulière, se pose inévitablement la question de l’empiètement du temps de prière sur le temps de travail. A ce stade, tout dépend du statut du salarié. S’il relève de ce que l’on appelle une convention de forfait jours, alors il ne tient qu’à lui à organiser son temps de travail comme il l’entend. En effet, dans cette hypothèse, la rémunération est déconnectée du temps de travail puisqu’elle évolue en fonction du nombre de jours travaillés.

Si, en revanche, le salarié est tenu par la réglementation du temps de travail, à savoir la semaine de trente cinq heures, alors la situation devient plus complexe. La réglementation prévoit que tout salarié dispose de vingt minutes de repos toutes les six heures de travail. Durant ce temps de repos, le salarié peut vaquer à des occupations personnelles, pour reprendre l’expression utilisée par le législateur. Si on s’en tient à cette simple règle, il a donc parfaitement le droit de faire sa prière sous réserve de ne pas être prosélyte.

Pour autant, l’employeur dispose de la possibilité de réglementer ce temps de pause et de le fractionner. Par exemple, pour reprendre une situation validée par la jurisprudence, la période de vingt minutes peut être répartie en trois minutes par heure. Dans ce cas, le salarié a toujours le droit de vaquer à des occupations personnelles mais il devra seulement agir plus rapidement.

Dans tous les cas, l’employeur n’a aucune obligation de mettre un local à disposition des salariés qui souhaiteraient prier. On recommandera donc les parkings en l’absence de bureau privatif. Bref, pas facile d’être religieux dans l’entreprise sans vivre dans une certaine crainte … de l’employeur.

   

Publié dans Etre juif en France

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