Existe-t-il un héritage de la médecine nazie dans les systèmes de santé contemporains ?
« Ludwig, (toujours très vite) Devant nous, à gauche, le grand hôpital psychiatrique… Les Touristes - Ah, vous avez des hôpitaux spécialisés. - A la bonne heure ! - Mais comment s’appelle-t-il celui là ? Ludwig On l’appelle maintenant l’Hôpital de la santé. Mais jusqu’à ces dernières années… »
Poser la question d’un éventuel héritage nazi dans les systèmes de santé contemporains peut sembler abusif. Pourtant, cet héritage n’est pas à entendre au plan idéologique, mais aux plans historique et pratique . Certaines négligences ou pratiques liées à la structure même d’un système de santé induisent une conception générale implicite et sociale de la vie. En réalité, tout se passe comme s’il était admis une conception de la vie telle qu’à partir d’un certain âge, ou d’un certain stade, il y a une absence de réponse médicale. Or, cette absence de réponse médicale à la singularité de certains de ces besoins de santé laisse penser à l’existence d’un délaissement structurel, hérité de ce passé où la mort est passée dans la norme. La personne étant âgée est destinée à mourir lors de certains soins, l’absence de communication adéquate à la situation de la personne semble aussi accélérer ce processus.
Tout se comme si la vie était aussi forgée par le système de santé de la naissance à la vie en adoptant une forme rectangulaire selon certaines expressions courantes pour signifier que la mort de la personne doit arriver d’un « coup net ». Cette implicite conception présente le caractère tyrannique de ce qui paraît inéluctable dans l’instant présent. Cette tyrannie repose sur la force générale de cette conception qui montre que le droit de la santé publique n’est pas un droit comme les autres, c’est un droit qui brûle peut-être parce que c’est un droit sulfureux. La période correspondant au régime nazie pose aussi un problème relatif à sa reconnaissance juridique. L’absence de cette reconnaissance conduit souvent à effacer certaines traces trop troublantes de « ce passé qui ne passe pas ». La négation en masse de la personne humaine par les pratiques de certains médecins nazis a ouvert une brèche dans l’expérimentation médicale très difficile à couvrir juridiquement. Le caractère expérimental fonde très fréquemment la nature dérogatoire du droit de la santé publique. Ces dérogations peuvent parfois entraîner des dérives.
Dans l’un de ses nombreux discours, A. KAHN indique que les dérives des médecins dans l’histoire de la médecine présentent toujours trois processus psychologiques : l’exaltation de la recherche scientifique, « les potentialités alléguées d’une recherche ou d’un essai clinique (…) pour l’humanité dans son ensemble », et enfin la légitimité de l’action tirée de l’appréciation portée sur les sujets de l’expérience menée sur eux considérés comme dotés d’une humanité inférieure parce que faibles et soumise au sacrifice sur l’autel de la nécessité hégémonique de l’autre humanité, forte . Il faudrait ajouter un élément consubstantiel à ces trois processus qui porte sur l’absence totale d’espace laissé à la volonté du sujet de l’expérience comme au sujet de l’expérience lui-même qui est réifié au rang d’objet d’analyse et de recherche. La nature de cet élément n’est pas seulement psychologique entre le bourreau et sa victime, mais aussi institutionnelle et organisationnelle. Tout est disposé pour ne laisser aucune place à la victime en tant que victime mais simplement en tant que support d’informations potentielles, et tout est préalablement en place pour ne laisser à l’individu désigné comme affaibli aucun espace possible d’expression, pas même celui de la douleur.
L’organisation juridique tout entière autour de la santé publique est donc placée sous le sceau de la responsabilité publique de la mémoire collective des travers trop fréquents dans l’histoire de la médecine. Pour ouvrir le débat sur l’héritage de la médecine nazie sur les systèmes de santé, il est nécessaire de rappeler quelques éléments d’ordre historique. Souvent, opposé au Chef de santé du Reich « Reichsgesundheitsfuhrer » et chef du département de la santé au ministère de l'intérieur du Reich, CONTI (1900-1945) qui s’est suicidé , le Haut Commissaire à la santé publique, BRANDT (1904-1948) qui fût aussi le médecin personnel de Hitler a dû répondre seul de sa responsabilité de haut fonctionnaire de la santé pendant le régime nazi. Lors de son procès à Nuremberg, le procureur TAYLOR n’hésitait pas à l’accuser d’être le responsable et l’auteur d’actes de sauvagerie assimilables selon ses propres termes à de véritables « cancers de l’humanité ». La position idéologique de BRANDT sur l’euthanasie des personnes souffrant de malformation relevait semble-t-il dans son esprit et sa conscience d’une délivrance synonyme d’une manifestation d’humanité par une mort miséricordieuse par une injection létale indolore. Ces informations sont connues des historiens parce que durant son incarcération BRANDT qui pensait être libéré a tenu un journal intime.
Il faut rappeler que ce sont les médecins du régime nazi qui ont aussi défini la race juive et le dosage de gaz mortel nécessaire dans les chambres à gaz. Cette convergence entre le travail des médecins et celui de la police semble être le fruit de la collaboration des travaux en anthropologie et en génétique d’instituts très renommés à l’époque dans les années vingt (et en particulier de l’année 1927) tel que le Kaiser Wilhelm Institut. Des expériences animales sur les lapins qu’offrait l’expérimentation génétique, le régime nazi a autorisé l’expérimentation humaine sur des points très précis liés à l’amélioration de la race « à tout prix » par l’élevage des aryens dont il reste quelques traces historiques dans les archives des fameux Lebens Born, par l’élimination génétique de la reproduction et la stérilisation des malades et des personnes placés en situation de handicap (ou des femmes juives dans le camp d’extermination d’Auschwitz dont la stérilisation en masse était une spécialité du docteur CLAUBER (1898-1957) sachant que la stérilisation avait fait l’objet d’une réglementation particulière dès le mois de juillet 1933) et enfin par l’expérimentation particulière sur les jumeaux . Le régime nazi détenait le fichier le plus important de l’époque sur les jumeaux, et MENGELE (1911-1979), qui injectait lui-même la dose de phénol mortel dans le cœur des enfants jumeaux a continué ses travaux sur cette population. Il est aussi impératif de préciser que selon les travaux d’historiens spécialisés sur la médecine nazie sur deux mille huit cent enfants jumeaux déportés à Auschwitz, deux cent sont revenus.
En effet, la caractérologie issue des travaux de l’anthropologue nazi FISHER (1874-1976), qui a initié certaines théories raciales et un mouvement international raciste – il était entre autre ami avec un américain DAVENPORT (1866-1944) tellement désireux d’améliorer le patrimoine héréditaire américain à tout prix dans sa volonté eugéniste en développant et en utilisant des outils permettant de sélectionner les personnes candidates à l’immigration en fonction de leurs gènes qu’il en a totalement embrouillé sa science et sa philosophie sociale. La santé n’était plus une affaire privée sous le IIIème REICH, les médecins allemands de la période nazie sont les premiers à avoir établi une corrélation entre le tabac et le cancer du poumon en rendant systématique les tests de dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs. Ainsi, la médecine des nazis a utilisé les outils mis à sa disposition pour exécuter les politiques du régime en place, par exemple le fichage systématique des malades a permis l’extermination plus systématique des tsiganes et des personnes atteintes de malformation physique ou mentale. Le décret du Führer sur le programme « Euthanasia » a été écrit sur un papier à en-tête personnel de Adolf Hitler à Berlin et conservait une portée très secrète. Même sous le régime nazi, ce programme n’a pas pu faire l’objet d’une législation spécifique malgré l’application de plusieurs pressions. La bureaucratie officielle aurait été en grande partie évincée. Même GÜRTNER, le ministre de la justice sous le IIIème Reich était semble-t-il au commencement dans l’ignorance de cette réglementation secrète de Hitler de l'euthanasie, qui pourtant dès 1941 a été pratiquée sur une large échelle. Ce programme Euthanasia était codifié sous le code nazi de T-4 . Ce décret sur l'euthanasie n’a pu être mis en œuvre que par le jeu d’un certain nombre d'instructions et d'arrangements administratifs. Les exécutions de masse sous le label de Gnodentod ont apparemment d’abord eu lieu dans des maisons de repos et des établissements pour malades mentaux. Cependant, certaines correspondances privées commencent à montrer que le massacre avait aussi commencé par les enfants malades. Il y avait les questionnaires spéciaux concernant la santé d'une personne. Sur la base de ces documents un nombre de plus en plus important d’individus a été choisi pour subir l'action T-4. Certaines victimes se retrouvaient dans des centres T-4 spéciaux (Grafeneck, Hartheim, Brandenburg, Sonnenstein, Bernburg, et Hadama). Ces massacres ont servi d’expérimentations préalables aux gazages de masse dans les camps d’extermination et ont fait disparaître près de 100 000 individus. Plus de trois mille enfants en situation de handicap sont tombés victimes de cette frénétique tuerie. Les médecins et le personnel médical impliqué dans T-4 et d'autres opérations de massacre ont généralement exécuté leurs fonctions avec ardeur, conviction et dévotion en présentant parfois leurs actions comme « humanitaires ». Le rôle des médecins était peut aussi de cautionner moralement la pratique nazie par leur présence et par leurs actions.
Seule une minorité de médecins semble avoir participé aux massacres de masse. En général, il y avait une absence de critique du politique par la profession médicale, un silence tacite en échange d’expérimentations habituellement interdites. La perversion de la médecine semble s'être produite avec les arrangements les plus traditionnels de la clinique médicale, de l'établissement chronique des soins, de l'hôpital d'université et même du milieu universitaire parmi le courant principal des médecins. Certains médecins ont refusé ce comportement (ce fût le cas d’un médecin en Rhénanie qui aurait averti ses confrères pour l’évacuation des malades des autres centres. Il y a donc dès l’origine quelque chose de profondément troublant dans l’existence même simplement conceptuelle d’un droit de la santé publique parce qu’en dehors d’une folie individuelle ou collective, la technique, la politique ou le droit peuvent autoriser le médecin à transgresser la règle maîtresse de la phronesis médicale : « primum non nocere ». Par conséquent, l’évolution du droit de la santé publique dans son volet de droit pénal de la santé publique nécessiterait obligatoirement pour être scientifiquement valable un travail autonome et extrêmement rigoureux commençant à partir des modifications ayant été entraînées dans les systèmes de santé et de protection sociale européens à partir du Code de Nuremberg. Il apparaît évident que le droit pénal de la santé publique existait avant parce que les abus et les dérives de la médecine dans son histoire n’ont pas débuté avec la Shoah. Les expérimentations massives sur des êtres humains avaient déjà commencé au moins depuis les années trente dans certains pays d’Afrique où les allemands pouvaient se rendre comme dans des colonies. Cependant, les expérimentations massives restent semble-t-il propres au siècle dernier.
L’histoire de la médecine a toujours été parsemée des travers de certains médecins ou grands chercheurs, PASTEUR lui-même a manifesté sa volonté d’expérimenter ses solutions vaccinales sur des individus qui seraient consentants dans l’espoir d’échapper ainsi à une condamnation à mort . La monstruosité scientifique n’est hélas pas le monopole des seuls médecins nazis. Elle n’est pas circonscrite à une seule période historique malgré les sommets qu’elle peut atteindre, elle est continue et accompagne tout progrès médical dans l’utilisation qui est en exercé . Il semble possible de pouvoir s’autoriser à penser que ceux-ci sont tous individuellement et collectivement responsables d’une contamination de l’humanité tout entière. Cette contamination a eu des répercussions dans toutes les sphères de l’existence dans le monde des idées et dans celui des systèmes de santé contemporains. L’influence de cette idéologie de la performance économique « à tout prix » de la santé publique appliquée par les professionnels de la matière médicale et par les professionnels des organisations administratives assurant la coordination des opérations nécessaires trouve probablement un part de ses origines dans la médecine nazie. D’ailleurs, les spécificités de la médecine nazie ont été mises en lumière par les travaux universitaires qu’à partir des années soixante et soixante-dix, c’est-à-dire pendant la période où il était fréquent d’améliorer la qualité de la gestion publique à partir du modèle américain de Planning Programming Budgeting System (PPBS) partout dans les pays influencés par le modèle de gestion américain de cette forme de management public qu’il est coutume d’attribuer à MACNAMARA.
La rationalité économique des agents n’a jamais été le gage d’une rationalité morale, mais seulement le gage d’une efficacité, c’est-à-dire d’un comportement permettant d’atteindre une finalité visée. La rationalité économique d’un système de santé se voudrait être aujourd’hui encore la seule rationalité possible dès lors qu’elle s’accompagne de la nouvelle rationalité éthique . En fait, tout se passe comme si, les possibilités immédiates d’appliquer les évolutions technologiques à l’économie, à l’éthique – et notamment à l’éthique professionnelle – contribuaient nécessairement à la mise en œuvre d’un renouvellement. Ce phénomène révèle donc au grand jour tout ce qu’il est possible de nommer « la nouvelle économie » , « les nouveaux comportements éthiques au travail », etc. En revanche, le droit dans son système normatif serait condamné à ne pas pouvoir se renouveler avec un mouvement présentant la même célérité. Le fonctionnement du système juridique implique une lenteur nécessaire de sorte que le système juridique dans son ensemble laisse d’abord les autres phénomènes sociaux se dérouler pour les rattraper ensuite et les contraindre ou les enserrer dans des règles juridiques plus adaptées mais pas forcément nouvelles.
Poser la question d’un éventuel héritage nazi dans les systèmes de santé contemporains peut sembler abusif. Pourtant, cet héritage n’est pas à entendre au plan idéologique, mais aux plans historique et pratique . Certaines négligences ou pratiques liées à la structure même d’un système de santé induisent une conception générale implicite et sociale de la vie. En réalité, tout se passe comme s’il était admis une conception de la vie telle qu’à partir d’un certain âge, ou d’un certain stade, il y a une absence de réponse médicale. Or, cette absence de réponse médicale à la singularité de certains de ces besoins de santé laisse penser à l’existence d’un délaissement structurel, hérité de ce passé où la mort est passée dans la norme. La personne étant âgée est destinée à mourir lors de certains soins, l’absence de communication adéquate à la situation de la personne semble aussi accélérer ce processus.
Tout se comme si la vie était aussi forgée par le système de santé de la naissance à la vie en adoptant une forme rectangulaire selon certaines expressions courantes pour signifier que la mort de la personne doit arriver d’un « coup net ». Cette implicite conception présente le caractère tyrannique de ce qui paraît inéluctable dans l’instant présent. Cette tyrannie repose sur la force générale de cette conception qui montre que le droit de la santé publique n’est pas un droit comme les autres, c’est un droit qui brûle peut-être parce que c’est un droit sulfureux. La période correspondant au régime nazie pose aussi un problème relatif à sa reconnaissance juridique. L’absence de cette reconnaissance conduit souvent à effacer certaines traces trop troublantes de « ce passé qui ne passe pas ». La négation en masse de la personne humaine par les pratiques de certains médecins nazis a ouvert une brèche dans l’expérimentation médicale très difficile à couvrir juridiquement. Le caractère expérimental fonde très fréquemment la nature dérogatoire du droit de la santé publique. Ces dérogations peuvent parfois entraîner des dérives.
Dans l’un de ses nombreux discours, A. KAHN indique que les dérives des médecins dans l’histoire de la médecine présentent toujours trois processus psychologiques : l’exaltation de la recherche scientifique, « les potentialités alléguées d’une recherche ou d’un essai clinique (…) pour l’humanité dans son ensemble », et enfin la légitimité de l’action tirée de l’appréciation portée sur les sujets de l’expérience menée sur eux considérés comme dotés d’une humanité inférieure parce que faibles et soumise au sacrifice sur l’autel de la nécessité hégémonique de l’autre humanité, forte . Il faudrait ajouter un élément consubstantiel à ces trois processus qui porte sur l’absence totale d’espace laissé à la volonté du sujet de l’expérience comme au sujet de l’expérience lui-même qui est réifié au rang d’objet d’analyse et de recherche. La nature de cet élément n’est pas seulement psychologique entre le bourreau et sa victime, mais aussi institutionnelle et organisationnelle. Tout est disposé pour ne laisser aucune place à la victime en tant que victime mais simplement en tant que support d’informations potentielles, et tout est préalablement en place pour ne laisser à l’individu désigné comme affaibli aucun espace possible d’expression, pas même celui de la douleur.
L’organisation juridique tout entière autour de la santé publique est donc placée sous le sceau de la responsabilité publique de la mémoire collective des travers trop fréquents dans l’histoire de la médecine. Pour ouvrir le débat sur l’héritage de la médecine nazie sur les systèmes de santé, il est nécessaire de rappeler quelques éléments d’ordre historique. Souvent, opposé au Chef de santé du Reich « Reichsgesundheitsfuhrer » et chef du département de la santé au ministère de l'intérieur du Reich, CONTI (1900-1945) qui s’est suicidé , le Haut Commissaire à la santé publique, BRANDT (1904-1948) qui fût aussi le médecin personnel de Hitler a dû répondre seul de sa responsabilité de haut fonctionnaire de la santé pendant le régime nazi. Lors de son procès à Nuremberg, le procureur TAYLOR n’hésitait pas à l’accuser d’être le responsable et l’auteur d’actes de sauvagerie assimilables selon ses propres termes à de véritables « cancers de l’humanité ». La position idéologique de BRANDT sur l’euthanasie des personnes souffrant de malformation relevait semble-t-il dans son esprit et sa conscience d’une délivrance synonyme d’une manifestation d’humanité par une mort miséricordieuse par une injection létale indolore. Ces informations sont connues des historiens parce que durant son incarcération BRANDT qui pensait être libéré a tenu un journal intime.
Il faut rappeler que ce sont les médecins du régime nazi qui ont aussi défini la race juive et le dosage de gaz mortel nécessaire dans les chambres à gaz. Cette convergence entre le travail des médecins et celui de la police semble être le fruit de la collaboration des travaux en anthropologie et en génétique d’instituts très renommés à l’époque dans les années vingt (et en particulier de l’année 1927) tel que le Kaiser Wilhelm Institut. Des expériences animales sur les lapins qu’offrait l’expérimentation génétique, le régime nazi a autorisé l’expérimentation humaine sur des points très précis liés à l’amélioration de la race « à tout prix » par l’élevage des aryens dont il reste quelques traces historiques dans les archives des fameux Lebens Born, par l’élimination génétique de la reproduction et la stérilisation des malades et des personnes placés en situation de handicap (ou des femmes juives dans le camp d’extermination d’Auschwitz dont la stérilisation en masse était une spécialité du docteur CLAUBER (1898-1957) sachant que la stérilisation avait fait l’objet d’une réglementation particulière dès le mois de juillet 1933) et enfin par l’expérimentation particulière sur les jumeaux . Le régime nazi détenait le fichier le plus important de l’époque sur les jumeaux, et MENGELE (1911-1979), qui injectait lui-même la dose de phénol mortel dans le cœur des enfants jumeaux a continué ses travaux sur cette population. Il est aussi impératif de préciser que selon les travaux d’historiens spécialisés sur la médecine nazie sur deux mille huit cent enfants jumeaux déportés à Auschwitz, deux cent sont revenus.
En effet, la caractérologie issue des travaux de l’anthropologue nazi FISHER (1874-1976), qui a initié certaines théories raciales et un mouvement international raciste – il était entre autre ami avec un américain DAVENPORT (1866-1944) tellement désireux d’améliorer le patrimoine héréditaire américain à tout prix dans sa volonté eugéniste en développant et en utilisant des outils permettant de sélectionner les personnes candidates à l’immigration en fonction de leurs gènes qu’il en a totalement embrouillé sa science et sa philosophie sociale. La santé n’était plus une affaire privée sous le IIIème REICH, les médecins allemands de la période nazie sont les premiers à avoir établi une corrélation entre le tabac et le cancer du poumon en rendant systématique les tests de dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs. Ainsi, la médecine des nazis a utilisé les outils mis à sa disposition pour exécuter les politiques du régime en place, par exemple le fichage systématique des malades a permis l’extermination plus systématique des tsiganes et des personnes atteintes de malformation physique ou mentale. Le décret du Führer sur le programme « Euthanasia » a été écrit sur un papier à en-tête personnel de Adolf Hitler à Berlin et conservait une portée très secrète. Même sous le régime nazi, ce programme n’a pas pu faire l’objet d’une législation spécifique malgré l’application de plusieurs pressions. La bureaucratie officielle aurait été en grande partie évincée. Même GÜRTNER, le ministre de la justice sous le IIIème Reich était semble-t-il au commencement dans l’ignorance de cette réglementation secrète de Hitler de l'euthanasie, qui pourtant dès 1941 a été pratiquée sur une large échelle. Ce programme Euthanasia était codifié sous le code nazi de T-4 . Ce décret sur l'euthanasie n’a pu être mis en œuvre que par le jeu d’un certain nombre d'instructions et d'arrangements administratifs. Les exécutions de masse sous le label de Gnodentod ont apparemment d’abord eu lieu dans des maisons de repos et des établissements pour malades mentaux. Cependant, certaines correspondances privées commencent à montrer que le massacre avait aussi commencé par les enfants malades. Il y avait les questionnaires spéciaux concernant la santé d'une personne. Sur la base de ces documents un nombre de plus en plus important d’individus a été choisi pour subir l'action T-4. Certaines victimes se retrouvaient dans des centres T-4 spéciaux (Grafeneck, Hartheim, Brandenburg, Sonnenstein, Bernburg, et Hadama). Ces massacres ont servi d’expérimentations préalables aux gazages de masse dans les camps d’extermination et ont fait disparaître près de 100 000 individus. Plus de trois mille enfants en situation de handicap sont tombés victimes de cette frénétique tuerie. Les médecins et le personnel médical impliqué dans T-4 et d'autres opérations de massacre ont généralement exécuté leurs fonctions avec ardeur, conviction et dévotion en présentant parfois leurs actions comme « humanitaires ». Le rôle des médecins était peut aussi de cautionner moralement la pratique nazie par leur présence et par leurs actions.
Seule une minorité de médecins semble avoir participé aux massacres de masse. En général, il y avait une absence de critique du politique par la profession médicale, un silence tacite en échange d’expérimentations habituellement interdites. La perversion de la médecine semble s'être produite avec les arrangements les plus traditionnels de la clinique médicale, de l'établissement chronique des soins, de l'hôpital d'université et même du milieu universitaire parmi le courant principal des médecins. Certains médecins ont refusé ce comportement (ce fût le cas d’un médecin en Rhénanie qui aurait averti ses confrères pour l’évacuation des malades des autres centres. Il y a donc dès l’origine quelque chose de profondément troublant dans l’existence même simplement conceptuelle d’un droit de la santé publique parce qu’en dehors d’une folie individuelle ou collective, la technique, la politique ou le droit peuvent autoriser le médecin à transgresser la règle maîtresse de la phronesis médicale : « primum non nocere ». Par conséquent, l’évolution du droit de la santé publique dans son volet de droit pénal de la santé publique nécessiterait obligatoirement pour être scientifiquement valable un travail autonome et extrêmement rigoureux commençant à partir des modifications ayant été entraînées dans les systèmes de santé et de protection sociale européens à partir du Code de Nuremberg. Il apparaît évident que le droit pénal de la santé publique existait avant parce que les abus et les dérives de la médecine dans son histoire n’ont pas débuté avec la Shoah. Les expérimentations massives sur des êtres humains avaient déjà commencé au moins depuis les années trente dans certains pays d’Afrique où les allemands pouvaient se rendre comme dans des colonies. Cependant, les expérimentations massives restent semble-t-il propres au siècle dernier.
L’histoire de la médecine a toujours été parsemée des travers de certains médecins ou grands chercheurs, PASTEUR lui-même a manifesté sa volonté d’expérimenter ses solutions vaccinales sur des individus qui seraient consentants dans l’espoir d’échapper ainsi à une condamnation à mort . La monstruosité scientifique n’est hélas pas le monopole des seuls médecins nazis. Elle n’est pas circonscrite à une seule période historique malgré les sommets qu’elle peut atteindre, elle est continue et accompagne tout progrès médical dans l’utilisation qui est en exercé . Il semble possible de pouvoir s’autoriser à penser que ceux-ci sont tous individuellement et collectivement responsables d’une contamination de l’humanité tout entière. Cette contamination a eu des répercussions dans toutes les sphères de l’existence dans le monde des idées et dans celui des systèmes de santé contemporains. L’influence de cette idéologie de la performance économique « à tout prix » de la santé publique appliquée par les professionnels de la matière médicale et par les professionnels des organisations administratives assurant la coordination des opérations nécessaires trouve probablement un part de ses origines dans la médecine nazie. D’ailleurs, les spécificités de la médecine nazie ont été mises en lumière par les travaux universitaires qu’à partir des années soixante et soixante-dix, c’est-à-dire pendant la période où il était fréquent d’améliorer la qualité de la gestion publique à partir du modèle américain de Planning Programming Budgeting System (PPBS) partout dans les pays influencés par le modèle de gestion américain de cette forme de management public qu’il est coutume d’attribuer à MACNAMARA.
La rationalité économique des agents n’a jamais été le gage d’une rationalité morale, mais seulement le gage d’une efficacité, c’est-à-dire d’un comportement permettant d’atteindre une finalité visée. La rationalité économique d’un système de santé se voudrait être aujourd’hui encore la seule rationalité possible dès lors qu’elle s’accompagne de la nouvelle rationalité éthique . En fait, tout se passe comme si, les possibilités immédiates d’appliquer les évolutions technologiques à l’économie, à l’éthique – et notamment à l’éthique professionnelle – contribuaient nécessairement à la mise en œuvre d’un renouvellement. Ce phénomène révèle donc au grand jour tout ce qu’il est possible de nommer « la nouvelle économie » , « les nouveaux comportements éthiques au travail », etc. En revanche, le droit dans son système normatif serait condamné à ne pas pouvoir se renouveler avec un mouvement présentant la même célérité. Le fonctionnement du système juridique implique une lenteur nécessaire de sorte que le système juridique dans son ensemble laisse d’abord les autres phénomènes sociaux se dérouler pour les rattraper ensuite et les contraindre ou les enserrer dans des règles juridiques plus adaptées mais pas forcément nouvelles.