PEUT-ON UTILISER SES JOURS DE CONGES POUR S’ABSENTER DURANT LES FETES ? (II)
Le salarié, en dépit des droits qu’il acquiert, reste bien évidemment subordonné. Il s’agit donc à présent de définir les contours de cette subordination lorsque le salarié demande à s’absenter en raison de fêtes religieuses. On distinguera à cet effet les pouvoirs de l’employeur et les sanctions auxquelles s’expose le salarié s’il prend ses congés en dépit du refus de l’employeur.
La prise des congés payés dépend de deux choses.
D’une part, il faut tenir compte de la durée de référence pendant laquelle ses jours s’accumulent. Conformément à la réglementation, « le point de départ de la période prise en considération pour l'application du droit au congé est fixé au 1er juin de chaque année », éventuellement dans certains secteurs le 1er avril. Un salarié qui commence une activité en septembre ne peut disposer de ses droits qu’une fois qu’il a passé une année complète dans l’entreprise, c’est-à-dire une année qui commence le 1er juin ou le 1er avril et se termine le 31 mai ou le 31 mars. Dans ce cadre, on comprendra aisément qu’un salarié juif qui souhaiterait être tranquille pendant les fêtes de Tichri n’a pas vraiment intérêt à commencer à travailler le 1er septembre. Car, même s’il cumule des jours de repos, il ne pourra pas forcément les utiliser. Il ne peut donc partir en vacances ou utiliser ses jours de congés pour ses fêtes religieuses que si l’employeur l’autorise et lui fait ainsi une avance sur ses droits acquis que la logique calendaire définit dans le code du travail l’empêche de faire valoir.
Dans un second temps, il faut tenir compte de la période de vacances fixée par l’employeur. C’est lui en effet qui est seul habilité à déterminer les dates de congés sauf limitations prévues par les conventions collectives ou les usages. Il est donc parfaitement en droit :
- d’imposer des dates qui ne correspondent pas du tout aux souhaits du salarié ; l’employeur a en revanche l’obligation de porter à la connaissance du salarié la période de congés qu’il entend fixer au moins deux mois avant que celle-ci ne débute tandis que l’ordre des départs est communiqué à chaque salarié au moins un mois avant son départ.
- de refuser les demandes d’absence du salarié.
Dans ce cadre, peu importe le motif de l’absence, le salarié encourt des sanctions s’il ne respecte pas le calendrier fixé par l’employeur en la matière.
Quel que soit le contexte de l’absence du salarié, il est en faute à partir du moment où il ne dispose pas de l’autorisation de son employeur. On distinguera plusieurs situations.
Première situation : le salarié a déposé ses dates, a obtenu l’accord de son employeur mais ne revient pas à la date fixée. Point positif : il ne peut être considéré comme démissionnaire puisqu’il n’est pas possible de déduire de l’absence du salarié sa volonté claire et non-équivoque de rompre le contrat de travail. Point négatif : il peut être licencié pour faute grave et perdre ainsi ses indemnité de licenciement et d’ancienneté. Ironie du droit : il conserve tout de même son indemnité de congés payés.
Deuxième situation : le salarié a déposé ses dates mais n’a pas obtenu l’accord de son employeur. Dans ce cas, l’employeur est en droit de le licencier. Pour autant, il n’y a pas forcément faute grave.
Le contexte religieux a déjà été pris en compte par les juges de deux façons :
- dans une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, à propos d’une salariée qui s’était absentée en raison de la fête de l’Aïd en dépit du refus de son employeur, le licenciement a bien été admis mais la faute grave n’a pas été retenue ;
- dans une décision de la Cour d’appel de Paris du 31 janvier 1986, les juges ont même estimé que, dans la mesure où son employeur a toléré pendant plusieurs années les absences d'un salarié de confession israëlite a l'occasion des samedis et autres fêtes juives, la dispense de travail correspondante est devenue un élément du contrat de travail. Est donc dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement auquel l'employeur a procédé en reprochant au salarié ses absences.
Il faut également envisager, en dernier lieu, l’hypothèse où le salarié sollicite son employeur à plusieurs reprises pour lui proposer des dates d’absence alors que celui-ci n’a fixé aucune période de congés. Dans ce cas, les juges ont estimé que l'absence non déclarée [du salarié] ne caractérisait pas une faute grave compte tenu de la propre défaillance de l'employeur dans l'organisation des congés payés. Il n’y a pas faute grave mais rien n’empêche les juges de qualifier le comportement du salarié de cause réelle et sérieuse de licenciement. Le manquement de l’employeur à ses obligations allège indirectement la responsabilité du salarié.
On tirera deux enseignements de ces jurisprudences qu’il faut manier avec précaution :
- il n’y a pas un droit à s’absenter en raison des fêtes religieuses même si ces absences viennent s’imputer sur les congés payés, même si ces absences relèvent de la catégorie des congés sans solde ;
- le contexte est déterminant dans ce genre d’affaires.
On privilégiera donc la prudence, sauf à prendre le risque du licenciement. Reste une dernière hypothèse : démontrer que le comportement de l’employeur constitue une discrimination.