La fiscalité et les "people".
Après des rubriques plutôt austères sur le développement de sociétés en Israël ainsi que sur les techniques à utiliser, nous voudrions à présent nous aussi faire un peu de people en traitant de quelques cas jugés récemment et mettant en cause des personnalités du monde du spectacle. On montrera ainsi que ce n’est pas parce que l’on gagne beaucoup d’argent que l’on n’a pas envie de payer moins d’impôts ; ce n’est pas parce que l’on gagne beaucoup d’argent que l’on est forcément bien conseillé. Cela atténuera la paranoïa de coreligionnaires qui assimilent un contrôle fiscal à une persécution antisémite.
Charles A. est un chanteur connu qui, après plus de cinquante ans de carrière, essaie encore d’échapper à l’impôt en France. Pour cela, il a utilisé le montage suivant : la rémunération d'un concert donné en France par l'artiste a été versée à une société établie en Grande-Bretagne ; cette société avait pour seule activité de louer les prestations de Charles A.
Par voie de conséquence, l’argent quittait la France pour une société qui pouvait ainsi le gérer à sa guise et le distribuer ensuite sous forme de dividendes par exemple. Ou alors, le redistribuer au chanteur qui vit en Suisse et échapper ainsi à l’impôt en France. Le système est tellement grossier qu’il correspond parfaitement à une hypothèse expressément visée par le code général des impôts à l’article 155 A. La pratique lui donne d’ailleurs le nom de « rent a star system », c’est-à-dire le système de location d’une star. L’enjeu pour le fisc, c’est précisément de vérifier si l’activité apparente de la société ne cache pas en fait une société dont l’objectif est précisément d’éluder l’impôt.
Et c’est là où l’on mesure l’inutilité des montages compliqués. Grosso modo, notre chanteur a cru que parce que la société est domiciliée et lui en Suisse, le mécanisme est paralysé. Certes, cela soulevé d’importantes questions de droit mais la réponse s’est imposée d’elle-même : les conventions internationales n’interviennent qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire uniquement si le juge estime qu’il ne trouve pas la solution au regard des solutions de droit interne. Ces sommes ont donc conformément à l’article 155 A été imposées en France. En plus, cela correspond parfaitement à la tendance du droit communautaire : ce n’est pas parce que les individus bénéficient du principe de libre circulation que cela justifie que ce principe soit utilisé pour créer des sociétés bidons qui n’ont pour objectif que d’éluder l’impôt.
Apparemment, les footballeurs, contribuables pour lesquels a été adopté l’article 155 A ont compris la leçon ; ils essaient donc autre chose.
Les footballeurs, à l’instar de beaucoup de sportifs, ont une carrière courte pendant laquelle ils gagnent beaucoup d’argent. Ils estiment donc que le système progressif de l’impôt sur le revenu français est pénalisant et ne leur permet pas de mettre suffisamment d’argent de côté. Ils invoquent généralement cet argument pour justifier leur départ à l’étranger ou demander une fiscalité dérogatoire qui contredirait de plein fouet le principe d’égalité devant l’impôt. Ils sont ainsi souvent à l’origine de jurisprudences où généralement, l’administration fiscale confirme la rectification dont ils ont pu faire l’objet.
Le dernier en date paraît être Manuel B., footballeur qui a fait les beaux jours de l’équipe de France. Très simplement, ce footballeur jouait dans un club étranger et prétendait donc relever de l’impôt étranger et non de l’impôt français. C’était oublier une chose : certes, il travaillait à l’étranger mais sa famille résidait en France. Et là encore, toujours la même règle : le droit international n’intervient que si le droit interne ne permet pas de donner la solution. Or, l’article 4 du Code général des impôts précise bien que le simple fait de travailler à l’étranger ne permet pas de déduire que la personne ne réside pas en France. Comme elle dispose de son foyer fiscal, les sommes perçues à l’étranger relèvent intégralement de l’impôt français avec, bien évidemment, les autres revenus qu’il a perçus.
Ce footballeur n’est pas le seul à s’être trompé sur la portée de cette règle. Ainsi, dans le cinéma, lorsqu’un artiste tourne à l’étranger, il essaie bien souvent, lui aussi, d’utiliser les conventions internationales afin éviter que son cachet fasse l’objet d’une imposition en France. Par exemple, au lieu de dire que la somme perçue le rémunère pour le film, il prétend qu’en fait cette somme est intervenue à la suite d’un spectacle à l’étranger. La manœuvre présente assurément un intérêt fiscal lorsqu’en plus le pays étranger bénéficie de faibles taux d’imposition. Mais, inéluctablement, rejaillit l’article 4 du Code général des impôts avec ses critères de résidence et surtout sa conséquence : le principe de mondialité. Comme en plus, la convention ne joue que si le droit interne se révèle insuffisant, on connaît la suite. Isabelle A. actrice célèbre, dispose ainsi aussi bien d’une belle carrière que d’un beau palmarès en droit fiscal.
Bref, il n’y a pas que sur les écrans que nos artistes nous font rire.
merci pour la photo à Orly Ayhalom http://public.fotki.com/orlyyahalom/israel/